Actus

04/04/2017

Ötillö Hvar : vous êtes les derniers ?

posté à 16h59

Honnêtement de ma toute longue et passionnante expérience sportive, jamais on ne m’avait posé cette question : vous êtes les derniers ? Incroyable course, improbables conditions, indescriptible récit, mais je vais quand même essayer de vous le faire.
Pourtant, tout avait bien commencé. Arrivés sur place le vendredi soir, nous avons eu tout le loisir de visiter Split et Hvar en profitant au passage de réviser notre histoire et géographier Croate : la Croatie est-elle dans l’Europe, quelles prises de courant utilisées, quelle monnaie, quel change, quelle histoire dis-donc … Les conditions météos sont très clémentes : soleil, ciel bleu, mer calme. Et pourtant …
Samedi pour l’épreuve Sprint, déjà la mer s’agite un peu. Pendant le briefing de course, le directeur de course nous annonce quelques changements vues les conditions météos annoncées : fort courant et vent contraire. La grande traversée qui devait avoir tout au bout de l’île est déplacée mais aura tout de même lieu. Et ce n’est pas tout, mais cela nous allions le découvrir pendant la course.
Dimanche jour de course. Notre logement est à 30s du lieu du départ. Celui-ci a été reculé de 20 min pour ne pas interférer avec la navette reliant l’ile au continent. Echauffement à sec : nous ne sommes pas très motivés à aller barboter dans l’Adriatique Dalmatienne trop tôt. Pierre veut se placer devant pour partir vite et ne pas être gênés dans la première traversée. Je ne suis toujours pas chaud (d’ailleurs je ne le serai pas vraiment de la journée …) et trainasse en queue de peloton avant la corne de brume.
Nous ne sommes finalement que 100 équipes à prendre part à cette première édition sur les 110 engagées. 500m après le départ à pied, il faut se mettre à l’eau. Plus le choix de reculer. Je saute. Le contraste est saisissant. Comme le peu de degrés ressenti dans mon fort intérieur. Pas le choix : nager pour se réchauffer et pour sortir de cette eau d’une limpidité incroyable. J’en ai oublié de mettre mon pull-boy entre les jambes que je perds rapidement. Ça commence fort cette journée. Je le récupère, le refixe et repars, souple : la journée sera longue. Interdiction de s’encorder avec son équipier pour cette première natation. Pas grave elle est courte. Je ne mets pas non plus mes plaquettes : pas chaud et natation courte je viens de l’écrire, vous suivez ou bien !?!? A la sortie je trouve le moyen de m’ouvrir la main sur un rocher coupant. Pas très grave en soi, mais du coup j’ai saigné pendant toute la course : l’eau salée n’est probablement pas le meilleur cicatrisant possible.
Pierre m’attend à la sortie : il est chaud bouillant, et attaque le secteur pédestre à vive allure. Ah, la jeunesse !!! Rien de particulier si ce n’est beaucoup d’équipes doublées, avant de commencer véritablement une section aquatique :1'700 m encordés dans cette eau qui ne se réchauffe pas et qui est déjà bien agitée. Au bout de quelques mouvements je vois mon mousqueton me filer sous le nez. Ouille, ouille, ouille : je le choppe vite au passage et le croche tant bien que mal à ma ceinture. La mer est agitée. Ça bouge pas mal. Je m’emmêle un peu les pinceaux dans cet élastique me reliant à mon poisson pilote. Nous n’avions pas eu le loisir de tester cette nouvelle forme de natation dans nos lacs encore gelés en ce début de printemps. C’est un peu long, mais nous touchons la terre ferme dans une belle petite crique pour parcourir le bout de l’île sur un aller-retour d’environ 5km et prendre au passage une bouée de sécurité pour le morceau du chef.
On croise les premiers : on compte, environ dans les 30. La fougue de Pierre est toujours là, et il mène bon train. Son genou annoncé comme incertain le laisse tranquille. 3 ème natation.
Le morceau du chef : 2’900m agités, brassés, tumultueux, frais, froid, dans la vague : indescriptible. Pierre est devant en plaquettes : je ne les mets toujours pas. Notre élastique est cette fois bien installé. Autant pour lui, avec les vagues, la direction a été épique, autant pour moi, il me suffisait de suivre la ligne. Mais dieu que c’était long : 1h20 dans ces conditions. A écrire ça va, à vivre, c’était une toute autre histoire. Nous posons les pieds sur terre fort heureux d’en avoir fini avec cette plaisanterie et très content de trouver un ravitaillement. Nous ne nous attardons pas, mais rapidement, je ne suis pas bien, mais alors pas bien du tout. J’essaie de retrouver mes esprits mais sans succès. Je m’assieds mais j’ai froid. Je m’allonge finalement au soleil dans ma néoprène en tentant de m’alimenter. J’ai mis plus de 20 min à reprendre du poil de la bête. On repart finalement pour aller au bout de cette île. Et là vous savez quoi : il faut y retourner. Dans l’eau. 500m. Admettons. Go. Feu. Partez. Quand je veux j’y vais. L’élastique est accroché. Pierre est dans l’eau. Bon ben. Nage …
Une petite île à traverser et rebelotte une petite traversée. Une nouvelle île à contourner sur des pierres que Pierre survole pendant que je cherche ou je vais bien pouvoir poser mes pieds. Le directeur de course nous attend pour cette nouvelle traversée périlleuse.
Seulement 800m. Les conditions ne se sont pas améliorées et le soleil n’a pas encore réussi à réchauffer l’eau. Moi, ça va mieux. Je suis Pierre. Du verbe suivre bien sur …C’est un peu la baston. Mais on s’en sort bien. Le retour sur la place centrale de Hvar signifie une barrière horaire. On nous annone avec 2 min d’avance sur celle-ci et une heure pour aller chercher la prochaine. Improbable selon les organisateurs. OK on arrête là.
Non je plaisante, je suis presque chaud bouillant. Presque. Nous partons à l’ascension de la forteresse. On est bien. On bascule. Et tic, le genou de Pierre nous rappelle à l’ordre. Du mode remorqué en natation je passe en mode tracteur à pied. Ça monte, ça descend, ça tire dans le genou, on rattrape un peu de monde. On arrive au ravitaillement, et là la question qui tue : vous êtes les derniers ? Jamais eu à me préoccuper des barrières horaires, jamais eu à répondre à cette question. Ne parlant pas le Croate, nous prenons la direction de l’eau. En même temps la question avait été posée en anglais. Ou en français. Je ne sais pas. Je ne sais plus. Bref, on n’a pas le temps, on a une barrière à passer.
De ce côté-ci de l’île, la mer est plus calme. Calme en fait. Mais pas plus chaude. Froide en fait. Pierre n’en peut plus de ces plaquettes. Moi je n’ai toujours pas mis les miennes. Au fil des mètres je me retrouve devant lui. Je remorque Pierre. Finalement, il trouve que je ne vais pas droit et repasse devant. Les 1’800m passent assez bien. Une bonne et heureuse surprise nous attend : les 2 prochaines (et dernières) sections de natation ont été annulées. Même si nous étions venus pour ça, nous ne sommes pas fâchés d’entendre ça. Il nous faut maintenant grimper au sommet de cette île pour passer le cut-off. Le genou tient bon, et nous passons largement cette barrière : 4 min d’avance. Large on vous dit.
Le directeur de course est là, et nous confirme que nous ne nagerons plus, et qu’il n’y a plus d’autre barrière. Quel soulagement, quelle délivrance. La descente n’est cependant pas une sinécure, car trop sollicitante pour le genou de Pierre. Les 12 derniers km se feront donc en fractionné marche course pas bien vite. Plus de 2h pour relier cette foutue arrivée. Dans les derniers arrivants. A la 49ème position. 50% d’abandon sur cette épreuve. Du délire.
Du coup, j’aurai promené mes plaquettes pendant 8h50 et 50km au total. Nous avons limité la casse pour le genou de Pierre. Nous n’étions pas venus chercher une place ainsi dans le classement. Nous ambitionnions beaucoup mieux sincèrement. Nous ne sommes pas déçus de cette performance réalisée ce jour : juste heureux de l’avoir fait. A deux.

 

Vidéo ötillö Hvar 2017


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