Cours tant que tu peux ...

retourCompte rendu de course
2012-10-13Ironman World Championships - Hawaii***615

Il est 4h. La nuit a été bonne. Le petit déjeuner passe très bien comme un jour de la semaine standard. C’est vrai que depuis le début du séjour, je ne suis peut-être pas encore rentré complètement dans l’événement. Peut-être aussi que c’est très bien ainsi. Les filles se lèvent aussi petit à petit, pour elles aussi prendre la direction du départ. Je vous passe les traditionnelles séquences hygiéniques qui n’apportent rien à la richesse de ce document pour arriver vers 4h45, où tout équipé de mon baluchon de compétition, le Pre swim bag, je prends la navette de l’organisation devant l’hôtel en direction du Pier.
Arrivé sur place, nous sommes dirigés vers les terrains de tennis pour le Body Marking : gros tampons numérotés qui mis bout à bout forment le numéro sur nos bras. Ensuite passage sur la balance pour faire une pesée avant la course, et puis entrée dans ce parc à vélos étalant fièrement dans cette fin de nuit les quelques 2'000 destriers tous bien alignés. Le mien est pratiquement en bout de ligne, côté plage. J’en profite pour gonfler les boyaux, installer les 2 gourdes derrière la selle, le GPS sur son support et le casque prêt à être enfilé. Je me change. Je nagerai simplement avec mon short. Le débardeur sera dans le sac de transition même si c’est un plus difficile à enfiler quand je suis tout mouillé.
J’ai encore du temps, je pars m’allonger sous une tente. Je retrouve ensuite mon ami Bertrand de Mulhouse, qui courre pour son association Dunes d’espoir, dont je ne saurais que trop vous conseiller une petite visite sur son blog. Nous errons les dernières minutes dans le parc en regardant le départ des pros à 6h30 puis des dames 5 minutes plus tard. Le coup de canon est donné : ça bastonne.
Nous nous trouvons ensuite avec Laurent Jalabert dans les escaliers pour rejoindre la plage de départ. D’invitation à une choucroute, Laurent et Bertrand s’aperçoivent finalement qu’ils fréquentent de temps à autres les mêmes endroits puisque Bertrand habite à Brunstatt et que les parents de la copine de Laurent aussi. Nous sommes à Hawaii en train de discuter d’une rue derrière le cimetière à Brusnstatt !!! La classe, non ?
La baie de départ est relativement large. Je demande à Franck Vuaillat le meilleur endroit pour les nageurs modestes : sur la gauche après la bouée centrale. Il reste environ 5’ je nage en direction de la ligne. Le speaker dit pleins de trucs : je n’écoute pas vraiment. Je regarde autour de moi. Du monde dans l’eau, autour de la baie, sur les digues, certainement à la TV sur internet. On y est, j’y suis et cette fois je suis dans la course.
Go, go, go !!! C’est ainsi que le départ est donné. Franck avait raison, je suis très bien placé, j’arrive à bien nager correctement, proprement, bien entendu coincé parfois dans un groupe, mais dans l’ensemble pas donné un coup et pas pris un coup. Malgré tout le catamaran du demi-tour se fait attendre. Je continue à m’appliquer. Le demi-tour arrive enfin : retour vers le départ. Ça va toujours, je suis en 3 temps, je me fais un peu doubler sur la fin. J’ai pied, je me redresse pour monter les quelques marches montant vers les tentes de transition. Mon sac en main, je file enfiler les chaussettes, le débardeur, les lunettes. On me demande si je veux de la crème solaire : Oh que oui, et me voilà badigeonner de blanc sur les épaules. J’ai juste oublié qu’en vélo, mon débardeur n’ira pas jusqu’à mon short. Aujourd’hui, j’ai un beau souvenir de ma course en vélo : tout rouge.
Je courre prendre mon vélo, sors du parc, saute sur la bête, fais quelques mètres enfile les chaussures, et nous partons pour une petite boucle sur les hauteurs de Kailua avant de revenir monter Palani Road : 500 m que je passe tout à gauche, petit plateau, gros pignon : le chemin est encore long.
J’attaque l’autoroute. Ma hantise est de respecter les règles de drafting pour ne pas se faire sanctionner de 4’ de pénalité et ce malgré la densité de coureurs dans mes temps. De ce côté-là, tout aura été maîtrisé. La première heure est un peu bizarre, j’essaie d’avoir un rythme et de respecter les consignes de Stéphane, mais j’ai du mal à atteindre les 240W. Je m’applique toujours. Les conditions de vent et de soleil arrivent gentiment. La fin de la première heure aussi. Le parcours est vallonné fait de grandes lignes droites et de toboggans. Le décor est surréaliste au milieu des champs de lave noire sur la droite et l’océan sur la gauche. La 2ème heure est bien meilleure et plus régulière. Ça passe vite et ça file vite aussi. Je suis au 90ème en 2h30. C’est alors la montée vers Hawi. Alors là, c’est pas de la gaufrette !!! Le petit plateau est de rigueur et ça passe beaucoup moins vite. Nous croisons les pros. Romain Guillaume est très bien placé. Enfin le demi-tour, je dois prendre mon sac de ravitaillement spécial mais le bénévole ne me le tend pas : tant pis je file.
La 3ème heure se termine dans la descente retour de Hawi, où là, le vélo aéro prend toute sa dimension. La vitesse est là. Jusqu’au moment où elle ne l’est plus. Elle est remplacée par un vent bien présent qui sera présent jusqu’au bout et qui aura raison de mes prétentions. J’essaie de conserver et une vitesse et une puissance adaptée, mais ce n’est pas évident. Les descentes de l’aller se transforment naturellement en côtes au retour, mais avec le vent cela prend des proportions tout autres. La 5ème heure, sera une heure d’attente. Je commence à cuire dans les sens du terme. Je me suis bien aspergé tout le long du parcours, mais ça chauffe quand même. Les pieds me brûlent dans les chaussures. Je m’arrose les pieds mais cela devient très difficile. Ça monte longtemps, ça descend très peu. Je compte les km à l’envers. C’est long. Encore plus long que ce récit.
J’arrive enfin au parc à vélo. Je trottine péniblement autour du parc à vélo pour prendre mon sac de transition et me changer en coureur : chaussettes, baskets, casquettes. Je marche jusqu’à la sortie du parc. Je commence à courir. Ouh ben dis donc, ce sera pas un grand jour. Les recommandations de Stéphane se situent entre 4’25 et 4’30. J’arrive à peine à 4’40. Je n’essaie pas d’aller plus vite. Je ne peux pas. Je vais au premier ravito. Commence alors une douche longue de 42km195. Même si au début je n’en n’ai pas conscience, mais je vais me continuellement me verser des litres d’eau et dans le bonhomme et sur le bonhomme. Je me dis qu’un marathon en 3h30 me suffirait pour aujourd’hui. Les kms sont faits à moins de 5’ jusqu’au 15ème. Pas aussi facilement que ça. Certains ravitaillements ont déjà été faits en marchant sur la totalité. Montée de Palani Road : tout en marchant. La machine à moins de 10h vient de me dire : pas aujourd’hui. Je ne prends pas de risque avant d’aborder l’autoroute en plein cagnard. Les filles sont en haut avant cette terrible partie du parcours.
Oui, j’ai dit terrible. Je suis à la peine. J’ère de ravitaillement en ravitaillement. Je courre mais tout en dessous de 12km/h maintenant. On discute entre français, on se dépasse, on se repasse. Je bois, je m’arrose, on m’asperge. C’est long une autoroute à pied. Vers l’aéroport, on descend vers Energy-Lab. C’est du délire cette course !! Le demi-tour est là. Il faut remonter vers l’autoroute. Avant le ravitaillement du croisement, je sens le chaud arriver : je marche, c’est long. Ravitaillement. Autoroute. Courir.
C’est vallonné, mais pas trop, mais vallonné quand même. Pour je ne sais quelles raisons. Je retrouve goût à l’effort au 35ème environ. Je file à une vitesse incroyable. Entre 11 et 12. Hors ravitaillement. Je suis quand même pas mal. Descente de Palani Road. Petit détour dans Kailua. Ensuite : Alii-Drive. Incroyable. Du monde partout. Encore 500m, plus que 500m, déjà, enfin. Je ne sais plus, je ne sais pas. Je m’arrête embrasser tout le monde avant le tapis final. Il fait encore jour. Je suis entre les barrières finales, la petite église blanche que l’on voit sur les photos d’arrivée dans les magazines est derrière moi.
10h26. C’est fait. C’est fini.
On me donne une serviette et un collier de fleurs. Deux bénévoles me prennent en charge et me soutienne pendant les 100m suivants. Coca, eau et coca seront mes premières volontés. Après j’ai envie de tout et de rien. Alors ce sera coca, eau, coca, pizza, chocolat au lait froid, T-shirt de finisher, médaille. Je ne suis pas au mieux. J’ai envie d’un petit coca …
Je reste un moment dans l’herbe pour me reposer. Je prends la direction de la sortie, un verre de coca à la main. J’ai essayé de ne pas rester trop longtemps dedans pour aller voir toutes mes filles dehors : la grande et les petites. On est tous ensemble. C’est le top.
On attend un peu pour aller récupérer les vélos avec Barrek du TMT. Les arrivées se succèdent. Il y a un boucan d’enfer. Vers 20h30 on prend la direction de l’hôtel. Tout le monde est crevé de cette petite journée au soleil.
On dort.